jeudi 17 juillet 2008

C.R. Avery - Magic hour sailor songs

Depuis quelques temps, je prends les coups de coeur du magazine Vibrations avec des pincettes. D'une part parce que plus que partout ailleurs, la musique est une affaire d'immédiateté, et l'on sait bien que dans ce cas-là, l'immédiate nouveauté a davantage tendance à inspirer le dégoût et le rejet que l'osmose totale. De plus, par expérience je sais que si je me retrouve dans la majeure partie de leurs choix ( ceux de la rédaction de Vibrations pardi !), celui de la selection du mois est plus ambivalent, selon qu'il récompense véritablement la perle ou au contraire satisfait l'appétit musical d'un instant.
C.R. Avery avait sur le papier le goût d'une courte échappée, d'une mode un peu éphémère. Beat-boxer, chanteur, harmoniciste inspiré, gueule de boxeur version Tom Waits, la chemise jetée, ça respirait l'Attitude dans toute sa splendeur, un condensé de coolitude. Je décidais donc de laisser reposer le bonhomme quelques temps avant d'attaquer sérieusement l'écoute de son disque Magic Hour Sailor Songs. Idiot un jour, idiot toujours. Dans les années 70 à NYC j'aurais surement regardé passer Tom Waits en me moquant, honte à moi !
Magic Hour Sailor Songs est un superbe album, varié, riche d'influences diverses, on y croise tour à tour les fantômes de Tom Waits, de Bruce Springsteen version Nebraska, les raps de Soso et surtout de Buck 65 ne sont pas loin. D'ailleurs, c'est à ce dernier que l'on pense immédiatement à l'écoute de certains titres, fortement blues et malades. Que dire de plus sinon que le disque s'étire comme on enquille les bières au comptoir d'un rade enfûmé, que boire en compagnie des fantômes de Dylan, Tom Waits et Springsteen, sur des textes d'Allen Ginsberg, ça jette un peu la classe tout de même. Ca pourrait même faire des envieux si d'aventure le public se passionnait pour autre chose que la merde en tube cathodique qu'on lui sert 24/24, mais à ce compte là, il vaut mieux boire seul que mal accompagné.
En bonus, un titre du précédent disque, à vous de voir s'il convoque en vous quelques spectres ailés :


News Travels Fast (Train Whistle) - The C.R. Avery Band

vendredi 11 juillet 2008

Inio Asano - Solanin

Si vous n'avez pas lu Solanin en 2007 alors vous n'avez pas vraiment pleurer en 2007. Ou alors pour de faux. Comme une minette. Inio Asano sait faire pleurer, il use de tous les artifices possibles pour réussir à fair couler ne serait-ce qu'une larme au plus Barracuda d'entre nous. D'ordinaire je me serais fichu complétement de tout ce pathos dégoulinant. Mais il faut bien avouer que Solanin est différent.
D'abord parce que Solanin parle avant tout aux jeunes trentenaires (dont vous faîtes partie, ne le niez pas) qui ont biberonné de la musique grunge dans leur adolescence et leur jeunesse. Les personnages ont un groupe, vivent de petits boulots après un passage éclair et peu concluant à la fac, habitent de minuscules apparts et jouent aux jeux vidéo après avoir passer une soirée à picoler tous ensemble leur paie de la semaine. Quoi ? Ce ne vous dit toujours rien ?
J'aime Asano parce qu'il me parle de moi, et coupablement parce qu'il me parle de ce que j'étais, de mes rêves et aspirations. Et c'est là le second point de mon développement, Inio Asano sait alimenter et détruire les rêves de ses personnages (les vôtres). Il taille comme un jeune épéiste sur son premier champ de bataille, il taille du costard, du perso, de l'amour, et de la sexualité. Asano laisse les plaies à vif, ne panse aucune coupure et abandonne son lecteur à la contemplation de sa propre vie, ou de ses 10 dernières années de vie.
Solanin fait partie du vraiment tout petit groupe d'albums qu'on lit d'abord pour satisfaire une sorte de curiosité malsaine, on est surtout voyeur de sa propre vie mais l'on ne s'en rend compte qu'un peu après, au moment de sêcher ses larmes. Non, le voyeurisme commence quand le regard se perd, devient flou au délà de la planche et qu'il disparaît dans une larme, que la vision des personnages et de leurs rêves demeurent un peu dans votre tête comme le cadeau empoisonné, celui qui maintient la lampe de chevet allumée alors qu'il est déjà deux heures du matin.

jeudi 10 juillet 2008

Micheluzzi - les tribulations de Rosso Stenton

Voilà un auteur que je n'ai jamais lu, mais au hasard de recherche sur la toile je suis tombé sur cette image, entre Pratt et Hollywood. Je la place d'emblée en tête des "plus beaux baisers" de la BD.

Apuellos Ojos Verdas - Nat King Cole

Vrac de lecture

Une impression irrépressible de déjà-vue pendant la lecture. Je pense à autre chose un jour ou deux pour que finalement seul cet album s'impose dans mon esprit. Ce n'était pourtant pas gagné d'avance, la deception vis à vis du dessin de Perriot premièrement, son élégance enfuie, la vitesse de son trait disparue, et puis deuxièmement cette sensation de relire une histoire mille fois lue, Malherbe bien maladroit par moments. Et puis finalement la mise en place d'une unicité de ton et d'ambiance assez appétissante et surtout qui reste longtemps en bouche. On repense à cette yourte emplie de chefs militaires, ceux de Corto en Sibérie, ce même baron vraiment barré, de la neige sanglante plein la tête et les aspirations sibériennes. Un premier tome qui plante au final sa taïga fournie et oppréssante à sa façon, et dont la toute dernière case donne l'irrépressible envie d'en connaître le dénouement.


Ce Baru là est un bon cru, noir en bouche, lourd en teneur et en propos, le scénario de Pierre Pelot ne faisant pas dans la demi-mesure. Ici les personnages sont tous plus ou moins des erreurs congénitales, comme si on n'avait fait que baiser tous ensembles pendant deux siècles entiers. La caricature perce sous ce tableau mais la finesse de Pelot rattrappe toujours le coup. Il aurait été aisé de verser dans un pathos à la Grangé, à gerber. Baru est élégant, son style et ses couleurs collants impéccablement à ce type de récit, quand les personnages livrent et mettent en scène leurs emportements. Un très bon cru donc, qui comme tout grand cru se déguste à un prix prohibitif, Rivages vous ayant déjà vendu le Pelot original, vous reprendrez bien une rasade de Baru pour 15 euro ?!

dimanche 6 juillet 2008

Stanislas Gros - Le portrait de Dorian Gray

Attention copinage, tout ce que vous lirez ci-après est motivé par l'amitié que je porte à l'auteur de cet ouvrage, parce qu'il faut bien le dire, le seul bouquin d'Oscar Wilde est l'un des pires et des plus chiants livres au monde. Stan tu es un saint, tu as facilement su rendre intéressante cette intrigue moralisante, bravo.

Rappel des faits : Dorian Gray est un dandy anglais, amoureux de sa personne et qui va progressivement tomber dans le vice absolu, remarquant que seul son portrait en portait les stigmates. Concrétement, ça illustre l'aphorisme selon lequel le corps est le reflet de l'âme, ici c'est le portrait qui mange, raison pour Dorian Gray de se vautrer dans la luxure, le stupre et tous les maux de son époque.

Pas si évident à adapter dans un format si court, Le portrait de Dorian Gray trouve malgré tout sa taille idéale dans la lecture qu'en fait Stanislas. Jamais le rythme ne faiblit durant ces 60 planches, le soucis de mise en page évident, ajouté à la précision du dessin en font l'ouvrage dont la lecture m'a paru la plus facile depuis pas mal de temps, et compte tenu de la quantité de dialogues et leur taille, c'était une gageure parfaitement tranformée. Bravo !

J'ajoute que les multiples références de Huysmans aux pré-raphaélites permettent d'élever la lecture à un degré que le texte de Wilde ne permettait pas d'atteindre, mais vous aurez compris ici tout le mal que je pense du Portrait initial. Utiliser des citations de Par delà le bien et le mal de Nietzsche dans la bouche de Lord Henry est une idée tout à fait réjouissante, bien que pour ma part je ne l'aurais pas remarquée sans les notes en fin de volume, on a la Philosophie qu'on peut malgré tout.

Au final, et si je davais poser quelques bémols, ils concerneraient le façonnage des personnages féminins, j'avoue avoir du mal à trouver jolies les femmes représentées ici comme des duchesses "splendides" ou à la beauté parfaite. Je ne leur trouve pas d'air particulier, bien moins qu'une femme magnifique dessinée par Sfar ou Pratt par exemple (la comparaison s'arrête là, hein). Ca m'a d'autant plus gêné que le dessin est en tout point admirable, dans son soucis de clarté comme je l'ai dit plus haut, mais aussi dans sa simple maîtrise, beauté du trait et qualité des expressions.

Bref, voilà une adaptation qui ravira ceux qui comme moi appréciaient peu ou guère l'oeuvre initiale d'oscar Wilde, j'en déduis que Stan doit en être plus que ravi.





vendredi 4 juillet 2008

José Manuel Navia

J'ai rencontré l'oeuvre photographique de José Manuel Navia en 2001 à Madrid. Alors que tout allait mal, que les soirées de débauches alcoolisée s'enchaînaient dans la capitale espagnole, j'ai totalement été envahi par ses photos comme rarement. Bien sûr, je pourrais faire la chasse aux superlatifs et vous dire que, tout simplement, Navia photographie avec un oeil juste. J'en finirais comme ça ?

Evidemment ça suffirait. Un photographe un oeil, on en revient toujours au même point. Oui mais il y a la connaissance de l'instrument, et la partition qu'on rédige dans l'espace, avec ces corps qui bougent, qui sont très marqués, vraiment stigmatisés, presque toujours meurtris, enfin, je me les imagine comme ça. Bref, cette façon de photographier l'humain est assez unique, très latine dans l'approche, les couleurs chaudes du sud sont toujours présentes, et souvent le flou marque la subjectivité de l'instant, comme si on y était "presque", mais pas "tout à fait". Navia exprime à merveille cette réalité tangente, toujours mouvante, vous ne devinez jamais l'appareil photo, le photographe derrière le cliché. Il demeure une image et la capacité d'un homme à s'effacer derrière son sujet. Bluffant.

Alors, tandis que surfant sur la toile je retombais sur ses images, que je réouvrais le catalogue de l'exposition madrilène "pisadas somnenbulas", je retrouvais des sensations perdues depuis juillet 2001, un mois avant le Marroc qui compta tant. Pour moi Navia signifiera toujours la précarité de ces instants, quand vivants et morts se cotoient dans un même claquement de doigt.


(en cliquant sur le titre de cet article vous tomberez, ô miracle, sur la blog de l'intéressé)


jeudi 3 juillet 2008

Yusef Lateef

PAs de chronique à proprement parler, plutôt une sorte d'hommage, un gros big up à un type qui a la classe en lui, le style, le son, l'inspiration. Hommage à un sacré bonhomme du jazz, qui enregistra deux fois plus de chefs-d'oeuvre que d'années entre 1957 et 1970. Multi-instrumentiste génial, tour à tour joueur de sax ténor, de flûte, de hautbois, et puis ensuite d'instruments divers et variés, exotiques, et dont il savait toujours retenir l'inspîration propre, il connaissait les limites d'un instruments et profitait brillament de ses qualités.

Voilà donc les raisons de cette playlist en haut à droite sur votre écran, faîte à partir de bouts de ficelles trouvés sur Last FM, il n'y a donc pas certains titres incontournables, mais selon moi elle donne tout de même unje idée précise de la direction artistique de Lateef, de son jazz vraiment marquée de Blues, c'est fou : Ecoutez donc The Plum Blossom pour vous en convaincre, ce mec a la musique en lui, grande et belle, elle crie et exprime beaucoup de belles choses, mais aussi revendique une construction spirituelle bien qu'à la fois intellectuelle. Lateef a toujours vu sa musique en mouvement, son récent disque avec les frangins Belmondo en atteste largement.

Bref, deux disques à possèder pour qui aime Lateef : Live at Pep's et Eastern Sounds.


Moi j'ai un disque introuvable, une merveille déjantée à la couverture improbable, et dont les quatre titres emmènent aussi bien à Chicago qu'à Bagdad.