mardi 16 décembre 2008

Yves Robert - Inspirine

Je ne l'ai pas encore digéré ce disque. Parce qu'il est fourmillant et beau. Yves Robert est au trombone comptemporain ce que Louis Sclavis est à la clarinette, un magnifique épouvantail qui ne fait qu'avancer au milieu d'un champ musical encore inexploré, ou pas encore tout fait. Yves Robert appartient à cette classe de musiciens français élévés à l'Americana mais qui de la noire amérique ont voulu transformer les codes pour mieux se les réapproprier. On parle pourtant quand même de jazz attention, mais la dissection des notes, des thèmes et des mélodies passe par le double spectre d'une Amérique zieutée par la riche histoire musicale européenne. Amen.
Alors voilà Yves Robert en 2008 après avoir livré Eté il y a dix ans et In touch en 2002, qui nous revient tout de bruit et fureur pour nous prescrire de l'Inspirine. Merci docteur. Deux trios se partagent l'album, l'un composé d'Yves Robert donc, du tapeur-batteur-maniac Cyril Atef ici à son meilleur et de Vincent Courtois au violoncelle pour un set-groupe tout en douceur. Sur l'autre versant c'est Bruno Chevillon et sa contrebasse qui remplace le violoncelle de Courtois. Dur ! Oui parce que ça tape pas mal sur ce disque, l'energie est à tous les étages le nerf inoui d'une musqiue qui élabore des thèmes pour bientôt les pulvériser dans des déchaînements aussi jubilatoires que jouissifs, aussi sauvages qu'émouvants, du beau du beau !
Il y a vraiment cette impression de tempête dans le jeu de trombone d'Yves Robert, comme si d'un seul coup de coulisse toute la mélodie élaborée avec patience pouvait disparaître en hurlant, dans une bourrasque-plaisir de notes déchaînées. Du son et du beau, et encore du bruit, la liberté des sens à son paroxysme et que ça gueule un trombone qui jouit nom de dieu !
Inspirer c'est Inspirine !

jeudi 11 décembre 2008

Katsuhiro Otomo - Anthology

Avec Akira, Otomo est pour beaucoup d'entre nous européens le premier auteur à nous avoir fait pénétrer le monde du manga adulte, en regard immédiat avec le monde plus infantile d'Akira Toriyama. De toutes les manières, l'évidence qui frappait en regardant ces dessins et surtout en lisant ces histoires, outre le grand nombre de pages qu'elle occupaient, c'était l'évidente qualité de ces travaux, la richesse et le fourmillement des histoires, des mondes crées. Otomo frappait fort avec Akira en mettant en image d'une part un univers post-apocalyptique relativement cohérent mais le tour de force consistait d'autre part à y adjoindre une reflexion sur l'adolescence et ses mutations de première valeur. Le questionnement prenait en compte la relation au sexe, aux drogues, à la violence, l'autorité, bref, 6 tomes qui circoncrivaient parfaitement les aspirations des jeunes lecteurs que nous étions.
Mais Otomo c'est aussi une frustration de lecteur parce que cet auteur brillant, indépassable par certains aspects, cet auteur là a très peu produit. On connaissait Dômu, noir thriller très brillant et c'est tout. Alors quand Kana propose cette anthologie de récits plus ou moins courts parus avant l'avénement Akira, le lecteur que je suis et premier fan n'en finit plus de jubiler.
Il y a à boire et à manger dans ce recueil et comme souvent dans pareil ouvrage le pire cotoie le meilleur. L'éditeur a eu l'excellente et lumineuse idée de réunir en postface les explications brêves mais clarifiantes d'Atomo sur ces récits. Il est amusant de constater que lui aussi reconnait la faiblesse de certains, leur vacuité par moment ou bien encore que Moebius fût à l'origie de l'un d'entre eux, Flower. J'avoue quand à moi que c'est lorsqu'Otomo avoue son incapacité chronique à terminer un récit que ce recueil prend le plus de sens. Car non, Akira n'est pas fini, ou en tout cas il manque certaines substances pour etayer la toute fin. Mais c'est aussi le sel de cette histoire, les cases que le lecteur remplit avec abnégation, aux fils des lectures et des âges qui les accompagnent. J'aime à penser que ce qui sous-tend une histoire est son origine même, son idée directrice. La force des grands auteurs est de nous emmener un peu plus loin au delà de cette idée même. Otomo ne fait rien d'autre et ce qu'il livre comme un défaut est surtout une qualité à mes yeux.
Malgré toute l'hétérogénéité de cette anthologie, un titre emmerge par sa force intrinsèque et par la puissance de son traitement : "Fire ball". On y trouve déjà tous les ingrédients d'Akira, le contrôle des esprits, une rebellion, et puis beaucoup de science-fiction, une sensation délicate d'un futur possible. Bref une histoire qui vaut à elle seule l'achat du bouquin tant elle permet de remettre un pied dans des émotions qu'on croyait enterrées aux années 90, un peu comme si on nous livrait maintenant la suite inédite de Smell like teen spirit.

mercredi 10 décembre 2008

Christophe Blain - Gus

Il y a ce petit rictus qui ne me quitte pour ainsi dire jamais alors que je lis ce nouvel album de Christophe Blain, troisième opus de Gus, la série au pays des cow-boys créée il y a maintenant presque deux ans. Je dois à Blain ce rictus parce qu'il est l'un des rares auteurs à réussir à conjuguer la lubricité du propos avec une tenue toue épreuve du déroulement de l'histoire. Alors je ris; Lorsque Gus ou Clem attaquent une banque, détournent un train ou s'emparent simplement d'une diligence je n'en peux plus de rire à ce qui sous-tend leur action même : la divîne chasse à la petite culotte. Voilà en quoi Blain est si génial, il a remit sciemment la petite culotte au centre du débat bédéphilique. Décidément on manque cruellement d'auteurs de cette trempe.
Isaac le pirate ne parlait déjà que de cul, Gus ne déroge pas la règle, la cuisse et la dentelle, le stupre et la prostitué, son mac, regulier ou frangin, l'amour torride, les lettres enflammées, la baise, le tirage de coup, juste la drague ou bien simplement le chagrin d'amour, Blain remet tout ce qui définit l'homme au coeur de ses albums.
Alors on pourrait croire que lire depuis trois tomes déjà les aventures éplorées et sexo-libérées de nos trois personnages principaux lasserait au bout du compte, j'avoue avoir failli le penser également quand, au détour d'une histoire qui s'étendait un peu trop, le bon Clem se répandait lui aussi à satieté et même encore plus, j'ai pensé alors que le sujet était circonscrit et que finalement les cow-boys devaient aussi l'être un peu. Je me trompais.
Blain l'a bien pigé et d'ailleurs ce troisième tome nous emmène tour à tour explorer la jeunesse de Gus en apprenti-videur-voyou, nous fait ensuite cheminer un temps en compagnie du Gus joueur de poker pour finir le voyage jusqu'à une thématique ultra-exploitée dans le western : la ville de paysans rançonnée par d'avîdes bandits, les premiers faisant appel à un chasseur de prime pour se débarrasser de la menace. Kurosawa chez les pionniers. Bref vous l'aurez compris, Blain a savamment su renouveler son western en y redistillant toutes les grandes thèmatiques du genre et sans pour autant trahir ses promesses de cul omniprésent qui font tout le sel de sa série. Une selection angoumoisine (?) amplement méritée.

dimanche 7 décembre 2008

Keketigui Traore (1934~2008)



Keletigui Traore était le chef d'orchestre de l'immense ensemble guinéen "l'orchestre de la Paillote" qui devînt finalement "keletigui et ses tambourinis" après le split avec l'orchestre des jardins de Guinéen. Dans la pure tradition des orchestres ouest-africain nés après la décolonisation, La PAillote jouait juste, ouvrait pour les bals, les receptions, mais plus que tout ça c'était un formidable vivier de musiciens incroyables. Alors que Keletigui est décédé le mois dernier à l'âge de 74 ans (tout juste un jour après Miriam Makeba), il paraissait évident de lui rendre un léger hommage ici, même si sur la toile on ne trouve pas encore de documents sonores qui rendent dignement justice aux incroyables talents de ces musiciens du post-colonialisme. On se contentera donc d'un vague clip youtube en contemplant la pochette déchue d'un 33 trs abîmé. C'est un peu triste la musique par moment.

jeudi 4 décembre 2008

Illogic - One bar left EP

C'est la bonne nouvelle d'un mois de décembre qui s'annonçait, il faut bien l'avouer, comme tout pourri. En bref et en deux mots : Illogic revient ! On l'avait laissé cinq ans plus tôt avec un celestial clockwork d'une renversante beauté, son hip-hop lourd chargé par les productions de Blueprint (déjà évoqué ici) et après un leger break que chez Weightless recording ils appellent pudiquement "a 4-years hiatus", Illogic revient enfin.
Alors je vais aller directement à l'enjeu crucial de cet EP, non, il n'est pas aussi bon qu'on l'attendait et non, il n'atteind pas la cheville de Celestial clockwork. Les productions de Blueprint ont laissé place à celle d'un autre régional de l'étape, natif lui aussi de l'Ohio, Ill Poetic, et force est de constater qu'elles sont bonnes mais peut-être n'attendais-je pas Illogic sur ce terrain là. Il faudra de toute façon du temps pour digérer une orientation moins sombre que par le passé, une musique moins intransigeante, plus accéssible. Ill poetic lance (très bien hein, faut pas déconner) les mêmes beats que beaucoup de producteurs de sa génération. Un peu d'électronique, une basse funk, saccadé, et une rythmique qui varie de la soul sudiste au rock plus moderne. Restent les lyrics de Illogic et là, on tire encore vers le tout haut du panier et c'est évidemment pour ça que ce EP gratuit de chez Weightless recording est tout de même la meilleure putain de nouvelle de décembre.
Le myspace d'Illogic en cliquant sur le titre et toujours en lien http://www.weightless.net/site/ , site sur lequel vous pourrez normalement encore télécharger l'EP, en attendant l'album prévu pour mars prochain.

mardi 2 décembre 2008

K-The-I??? - Yesterday, today & tomorrow

L'ordinaire du hip-hop développé dans ces colonnes est habituellement plutôt composé d'une musique soul-full ou puisant allégrement dans le funk, le jazz ou même le blues. Tous ces genres ayant ma préférence quotidienne, le rap que j'écoute le plus s'en délecte logiquement égolement. K-the-i ???, kiki pour les intimes, fait ici figure d'exception avec sa musique résolument synthètique et moderne, minimale, nappée d'electro pour encéphalogramme dopé au bpm. Ca c'est pour le cliché, parce que kiki c'est encore un peu plus que ça.
De Thavius beck qui assure l'intégralité des productions de Yesterday, today & tomorrow, je ne connaissais que Thru, bel album lorgnant allégrement vers l'abstract mais que j'avais eu un peu de mal à apprivoiser. Quantité de sons se bousculaient autour de beats lourds, presqu'insoutenables dans la tension qu'ils dégageaient. Je connaissais son travail avec Subtitle au sein de Lab Waste mais je n'imaginais pas à dire vrai l'immensité du potentiel du jeune californien. Avec kiki il explose littéralement. C'est bien simple, il n'y a pas dans ce disque un seul morceau qui ne réunisse pas 3000 idées à la minute, il n'éxiste pas dans ce disque un seul titre passable , mauvais ou juste moyen. Non, il n'y a que des killers tracks, des beats à tomber à genou devant le dieu hip-hop, de la musique comme seuls des Count Bas D ou Jneiro Jarel l'envisagent aujourd'hui : tourner vers l'avenir.
Alors vous me direz "d'accord, c'est bien joli tout ça, mais le gros kiki sur la pochette avec son mégaphone, c'est un communiqué anti junk-food ?"
Que nenni, le gros kiki sur la pochette scande plus qu'il ne rappe mais voilà un emcee qui avait axé l'intégralité de son premier disque Broken love letter sur sa seule rupture avec sa petite amie, plutôt osé dans ce milieu. Un emcee qui parle, qui déballe pèle-mèle des références à Marlo Stantfield de The Wire mais qui considère aussi le double sens des choses avec une acuité réelle et bienvenue, j'aime beaucoup ce couplet par exemple : "the sunlight is looking over the horizon. Why when literature could be spoken in a way, it could simplify where I thought to begin, accumulate how many days to develop any ways to increase the envelope. Didn't come across as anything to ruin any hope, mope around, soldier down, another dead for no reason, can you believe it's coming from this sound ??? "Ou comment sortir adroitement du questionnement banal musique = violence.
Bref, il aut encore ajouter l'extrême qualité des featuring avec dans l'ordre d'apparition : Nocando, Thavius Beck, Vyle, Subtitle, High Priest (d'Anti Pop), Busdriver et enfin Mestizo que je ne connaissais pas. Gros disque et gros son pour un gros kiki, l'hiver sera chaud.


En écoute "decision", d'autres morceaux sur son myspace en liquant sur le titre de cet article.
Decisions - K-The-I???

PS : dédolé pour les éventuels lecteurs de ce blog d'avoir été un peu long à la détente ces derniers temps, mais il faut dire que le boulot était plus qu'au rendez-vous. Merci à ceux qui ont pris le temps de laisser un commentraire même aux articles plus anciens. Merci Jyjy donc !! Ravi que toutes ces lectures t'aient plu !