mercredi 3 septembre 2008

Jazz vs rap ?

Il y a comme un fantasme dans le milieu de la critique musical (pour le coup, "milieu" prend ici tout son sens, le milieu du moyen, le sens commun quoi) qui consisterait à croire ou à vouloir croire que rap et jazz sont fait pour s'entendre. Sans aucun doute, leur essence est la même, tous deux sont urbains, marqués par les grandes métropoles américaines, scarifiés par un apartheid réel, qui continue de confiner les communautés dans des blocs à part. Quelque part je dirais bien que l'amérique débloque quand elle chapotte de telles saloperies mais le Solaar sur mon épaule veillerait alors trop sur moi. Ne pas risquer qu'il prenne la plume tout de même.
Je disais que rap et jazz devaient nécessairement s'entendre. Ben oui, les rappeurs "y font que piller les vieux standards be-bop !" Hum, et puis regardez comme la critique sociale est au centre des enjeux du jazz tout comme de ceux du Hip-Hop ! Pour le coup le critique qui sommeille en moi avec Mc Solaar sur son épaule a plutôt raison : Jazz et Hip-Hop, même combat. Fight for power et Malcom X, et Public Enemy, et Rodney King et Fable of "ce salaud de " Faubus, et les droits civiques, le Bronx en flamme, tout ça c'est bien du jazz et du hip-hop. Mais alors que je dégage le critique de mon épaule j'ai presque envie de dire que le rap n'existe pas alors, qu'il est le jazz et point barre. Là encore, hum. Je peine à imaginer Charlie Parker en baggy-bagouses-bagnoles-bat-girl, non ? Et Miles alors ? Hum, mauvais exemple...
De toute façon le hip-hop c'est de la soul ! Regardez mieux Isaac Hayes et son cercueil fermé par une grosse chaîne en or, et ses colonnes de violons qu'il a faites ériger de part et d'autre de son mausolée. Saint Isaac était hip-hop, plus que Miles et John, et François maintenant, et qu'Yves aussi. Le Hip-hop c'est de la soul, d'ailleurs, regardez "comment y pillent tout le catalogue Stax, Motown et Atlantic les rappeurs" ! Ouais ! Mais moi ce qui me saoule c'est que la soul rende l'âme noire dorée alors que le Hip-hop l'ôte, cet or, pour y mettre un peu de ce jazz aussi.
Il y avait donc (avant que j'écrive ça) un consensus mou, une certaine critique qui voulait affreusement relier le Jazz au rap, en faire une unité. Bah tiens, ça, c'est réglè.
Sans rire, le jazz s'invente surtout boderline, le meilleur du Hip-Hop aussi, quoique sa veine pop soit tout aussi riche et variée (enfin, c'était vrai pendant 20 ans, ça l'ets nettement moins maintenant). Il y a donc un rap qui combine ses propres éléments urbains, sa modernité et ce sens inné qu'ont les grands improvisateurs, cette capacité à confronter la musique à un mur d'incompréhension, ce même mur défoncé il y a presque 50 ans par ce grand génie d'Ornette Coleman. Hip-hop et jazz se rencontrent vraiment face à ce mur, ça donne le "Only" de Beans chroniqué dans ces colonnes, mais ça ouvre aussi vers une facture plus classique de live band, je pense ici à IsWhat?! et à Soweto Kinch, deux groupes féroces, respectivement new-yorkais et londonien et qui savent mieux que quiconque actuellement hériter de la musique des grands seigneurs de la guerre des droits civiques mais aussi la réinventer dans un fouilli de percussion et d'abrasion textuelle. Il faut écouter comme Napoleon Maddox écrit, et crie ! ses textes fourmillants de mille sens et jeux de maux. Il faut écouter Soweto Kinch lorsque son saxophone appelle sa partition de storyteller, quand il raconte ses tours à travers des contes à ne pas dormir du tout. Ou alors des contes à danser et à écouter.
Soweto Kinch a tout juste trente ans, joue du saxophone comme si sa vie en dépendait, invente des rimes absolues, propose une musique difficile, assonnante, faîte d'urbanité et d'invention. IsWhat?! est plus consensuel, au moins dans ce deuxième opus "The life we chose", mais il faut quand même écouter la reprise de Kashmir, c'est du grand art. Malgré tout "Ill Biz" est à l'image du disque, un titre classique dans sa facture, efficace, mais surtout pas assez aventureux alors qu'explicitement politique et attaquant sans vergogne la présidence américaine.





Kashmir - Iswhat?!

Un ttre du premier disque de Soweto Kinch :
Good Nyooz - Soweto Kinch


http://www.iswhatmedia.com/

Ps : en me relisant je me rends compte que je n'ai pas assez rendu grâce au travail de Soweto Kinch dans son deuxième album "A life in the day of B19 : tales of the tower block". Franchement, ce disque est une petite pépite, rien que l'enchaînement "A friendly game of basketball", "everybody raps" et "Who knows" vaut plus que 99% du hip hop d'aujourd'hui. On y entend la rue, les voix de différnets protagonistes, ça rappe un peu, on retrouve le rythme, une battle commence, c'est vivant quoi. Hip hop et jazz en même temps, c'est possible oui.

Allez donc faire un tour ici :

http://www.myspace.com/sowetokinch

2 commentaires:

jyrille a dit…

Finalement, la reprise de Kashmir, c'est du rap ou du jazz ? Les deux nan ?

En tout cas j'ai beaucoup aimé le style de ta note.

thyuig a dit…

ouais mais c'est parce que t'es amoureux de moi.

LA reprise de Kashmir c'est juste du pur style, voilà. :oP