mercredi 18 février 2009

Invincible - Shapeshifters

Detroit en 2008, c'est pour beaucoup la fermeture des historiques usines de construction automobile ou tout au moins la mise au chômage de milliers d'ouvriers. On aurait tort d'y voir autre chose de toute façon. Detroit est la ville industrielle archétypale et qui évolue de même en un ensemble lié chômage-paupérisation-marginalisation. Et encore une fois, tout le monde pourrait s'en branler ça n'y changerait rien. Shapeshifters ou les ouviers du changement, la preuve que certaines choses ne sont pas immuables et pour qu'elles évoluent, autant s'appeller Invincible, être une fille au micro et s'assurer enfin que les mots portés marqueront durablement les exprits d'une ville sclérosée.
je suis passé à côté de ce disque à sa sortie mais pas à côté de Detroit. Voilà une ville qui oppose à la toute puissance du son new-yorkais une alternative inédite et initiée il y a presque deux décennies par le regretté Jay-Dilla. En 2008 à Detroit, Black Milk aura prouvé à qui veut bien écouter qu'il était le producteur le plus en forme du moment en produisant pelle-mèle son propre album "Tronic", sorte d'hybride electro-soul très mal rappé mais d'une puissance sonore rare, "The Preface" d'Elzhi vraiment réussi, l'ex-Slum Village s'emparant du mic à l'ancienne, revendicatif, exploitant l'esprit de clan, du crew de D-troy et figurant un réél bol d'air l'année passée. Mais Black Milk s'est également illustré aux côtés de Guilty Simpson pour un album plus convenu, a produit quelques tracks sur le "Pro tool" de GZA et si 2007 avait embrouillé ses auditeurs en diversifiant ad nauseam ses productions pour le meilleur et pour le pire, 2008 l'a rendu homogène dans ses oeuvres en rendant une copie quasi parfaite, équilibrant avec justesse l'archétype de son de Detroit, héritage du grand Motown et de la toute puissance électronique. Ouf.
Sur ce "Shapeshifters" d'Invincible, Black milk est fort adroiteemnt en retrait tant la puissance de la jeune lyriciste éclate sur ce disque. Sorte de Bahamadia blanche croisée avec le meilleur de l'émotion d'une Keny Arkana qui s'éparpillerait moins, Invincible a la toute grande classe. Son disque est une accumulation de bonnes pistes et on se garderait de compter le nombre de bons tracks tant l'album est riche dés l'entâme et son introductif "State of emergency" qui pose d'emblée le ton à l'ultime "Locusts" en compagnie de l'éclatant Finale et qui convoque ces armées de sauterelles comme le nuage définitif qui s'abât sur le désoeuvrement de la Motor-City. Et en oubliant pas au passage l'énorme morceau-titre, "Shapeshifters", sur lequel le flow metronimique d'Invincible fait rage et constitue l'apothèose de l'album.
Voilà la preuve parfaite que le Hip-Hop peut encore et toujours dire les choses en 2008, qu'il a son propre discours, que ses rappeurs sonnent souvent le glas aux idées reçues comme personne dans le business musical, qu'une femme comme Invincible s'empare du mic et ravage les certitudes, sans le bling de MTV mais avec toute la foi d'une ville qui ne finie pas de crever.
Deux choses en lien, d'abord l'excellente chronique de Naïma sur Hip Hop Core http://www.hiphopcore.net/chroniques/663-invincible-shapeshifters.html
Et ensuite le myspace d'Invincible en cliquant sur le titre de cet article, mais aussi le myspace de Finale, fantastique emcee qui casse tout sur "recognize" et "Locusts" et dont il semblerait qu'il faille compter avec lui prochainement : www.myspace.com/finale


Sledgehammer! official video

4 commentaires:

jyrille a dit…

Dommage que je ne connaisse pas tout ce que tu cites pour apprécier les comparaisons, mais tu donnes envie quand même.

thyuig a dit…

Finalement il n'y a pas tant de comparaison que ça, juste un état de la scène de Detroit dont Invincible serait la dernière perle.
Et oui, il faut écouter ce disque absolument.

Anonyme a dit…

j'ai beaucoup aimé le dernier black milk (et je ne le trouve pas mauvais MC), alors je vais certainement jeter un coup d'oreille du côté de cette nouvelle production. et rebienvenue dans le monde des blogues. :)

thyuig a dit…

Sans rire, Black Milk a vraiment du mal à rapper autre chose que des bêtes ego trip mal fichus, de plus son flow perd souvent en consistance dés les 8 ou 10 premières mesures passées. Il se perd, propose des rimes de bases, sans jeu de mot, aucune inventivité formelle, bref, il donne de la voix tout le contraire de ce qu'il propose musicalement ou son univers est d'une richesse impressionante.

Sinon, ton papier sur Marcherot est vraiment bien, tu vas devenir son biographe officiel bientôt, à toi la direction de collection chez Dupuis ! :o)