dimanche 6 septembre 2009

Mary Gentle - Le livre de Cendres

A force de vous parler ici de Fantasy vous allez finir par croire que d'une part je ne lis que ça et que d'autre part j'en suis l'ardent défenseur. Les deux sont faux bien entendu. Une guerrière en harnois complet montée sur un cheval harnaché et illustré par Guillaume Sorel n'a jamais suffit à me faire acheter un quelconque livre. J'aurais même plutôt un large mouvement de recul à son encontre. Cependant il me faut bien avouer que depuis ma lecture du Seigneur des Anneaux (assez tardive finalement, j'avais à peine plus de 20 ans) il y a dix ans, les quelques étagères dédiées au genre se sont considérablement remplies. Je peux donc raisonnablement me considérer comme un lecteur d'Heroic Fantasy, il ne reste plus qu'à me laisser pousser et les cheveux et la barbe, de laisser disparaître mes doigts sous une masse de bagues et mitaines cuirées et la panoplie sera à peu près complête. Sauf que je ne lis pas de Fantasy, je lis seulement et simplement des bons bouquins et dans le cas du Livre de Cendres de Mary Gentle, je lis (presque) toujours des bons bouquins.
Cendres est une uchronie, un "et si finalement les Wisigoths débarqués à Carthages à la chute de l'empire romain avaient prospéré et que leur civilisation avait dominé le monde occidental jusqu'au 15ème siècle ?" Voilà pour l'uchronie et à lire, je dirais simplement qu'il s'agit d'une foutue bonne idée, de même que d'y méler Cendres, une réplique de Jehanne D'Arc en moins pucelle mais tout autant bénie de Dieu et de conférer à cette dernière une réalité historique dans la Bourgogne de Charles le Téméraire. Tout ça ça est bon, tout comme le style direct de Gentle, la capacité à étreindre son personnage en le tordant jusqu'à ce qu'il (ou elle) ait expurgé toute le moëlle de ses sentiments de ses doutes et jusqu'à la géométrie variable de ses intestins pendant le déroulement d'une bataille. Je trouve malgré tout beaucoup d'erreurs à ces quatre bouquins (plus de 2000 pages au total !), à commencer par l'inutilité relative du livre 3, lequel prolonge ad nauseam le siège de Dijon et qui, en pensant renouveler l'intrigue en imaginant l'agonie du duc de Bourgogne ne fait qu'obliger Mary Gentle à réinventer cette agonie (au moins à la renouveler) au tome suivant. Raté. L'autre contrainte du Livre de Cendres est l'association en début de livre aux échanges de mails entre le professeur Ratcliff, le découvreur de la vérité sur Cendres ! -et pour aller vite- et son éditrice, pas entièrement convaincue de la véracité des faits que son docteur lui expose dans le manuscrit. Bref, un engluement verbeux pas très intéressant et même pas sauvé par la forme assez simple que ses échanges prennent. Sauf que de ces échanges dépendra la fin du livre, et c'est là que le bât blesse, moi j'ai sauté ces connerie, et arrivé en fin de bouquin, voilà toute l'exhaltation qui retombe en comprenant qu'à vouloir filer l'uchronie sur 2000 pages, Mary Gentle en viendrait forcément à situer Cendres dans notre histoire. Et c'est dommage tant le livre est cru et bon par moment, certains chapîtres poignants de réalisme acerbe et vorace tellement la coupe sanglante est pleine. Mais j'ai beaucoup de mal à considérer que son auteur voulait en arriver là, n'assumant peut-être pas tout à fait la charge d'heroic fantasy qu'elle a naturellement conféré à son bouquin. Ceci n'est pas noble, ce n'est pas de la belle science-fiction sur laquelle on peut dégoiser à foison, ceci est de l'heroic fantasy bien crade, il n'y a ni elfle ni nain mais des miracles et des démons, des grosses batailles comme si Dijon revivaitpar son siège le gouffre de Helm.
Assumer la fantasy dans Cendres aurait permis à Mary Gentle d'aller au bout de son histoire de façon bien plus convaincante et bien plus légitime par rapport à ses personnages eux-mêmes, et je n'aurais pas eu cette impression de pccchhiiittt comme je l'ai eue en refermant le bouquin.

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