lundi 21 avril 2008

Hiroaki Samura - L'habitant de l'infini

Si vous vous fichez comme de votre première dent de tout se qui pousse au Pays du soleil levant, abrègez vos souffrances, épargnez-vous la lecture de ce qui va suivre, on n'y causera uniquement japonaiseries.
Nul ne peut ignorer l'intérêt croissant dont jouit actuellement tout ce qui est produit au Japon dont l'un des attraits les plus évidents et paradoxale est cette tendance au revival, cette exquise considération pour l'ancienne société féodale, particulièrement injuste et barbare, mais parait-il tout autant raffinée. Mouais. Moi c'est au contraire ce qui me plait chez Hiroaki Samura, la non-considération de cette esthètique nippone soit-disant idéale ; "L'Habitant de l'infini" balaie tout ça d'un coup de sabre, le dessin est subjuguant et totalement décomplexé, la vivacité du trait l'emportant sur l'esthètique plus figée estampillée japonaise. Samura propose dans cette histoire de convoquer en préalable la Science-Fiction dans un récit de Samouraï, il donne l'immortalité à son héros, rendant par la même son éradication improbable mais comme nous l'apprendrons par la suite pas impossible. Manji est donc ce rônin, "le tueur d'une centaine", qui après avoir gobé quelques vers magiques se retrouve depuis lors découpé en tronçons, transpercé, mutilé, régulièrement broyé et écartelé. Et quel plaisir de voir Samura rendre à cette époque son barbarisme et son injustice là où trop de récit font d'une égale façon l'apologie de ce temps, "l'habitant de l'infini" rend caduque toute cette violence par la maîtrise exemplaire de l'évolution du récit, par la richesse de ses personnages principaux et la justesse des situations.
Certainement, le regard que je porte sur cette série serait différent si Samura n'était pas cet excellent dessinateur doublé de cet auteur génial, réussissant le tour de force de faire cohabiter dans un récit ultra-violent les thèmes plus classiques du complot, mais aussi ceux plus rares de la condition féminine, du questionnement éthique sur la qualité de l'âme, de son opposition d'avec le corps, Samura oppose en permanence le vulgaire au raffiné, jouant depuis le premier tome de cette série sur un fil invisible et tranchant, qui ne pardonnerait aucun écart au risque de chuter mortellement , semblable à la pelleté de mauvaises série relevant des mêmes codes.
Quant à ce tome 21 que dire de plus sinon qu'il relance une fois de plus l'intrigue brillamment, qu'il est de plus en plus jouissif de voir le vice qui lie la jeune Lin à Anotsu l'assassin de ses parents,quand dans le même temps Manji se rapproche d'elle.


mardi 15 avril 2008

Vincent Perriot



Juste une petite note pour signifier aux amateurs (et il y en a, je le sais) de ce magnifique livre paru l'an passé que Vincent Perriot (l'auteur de ce livre donc) tient un blog, et que comme je m'y attendais, ce qu'il y publie est splendide, ce mec a vraiment une patte et un regard qui lui sont propre. Le lien est dans les liens, mais je vous le remets là tant je ne suis pas ingrat. http://vincent.perriot.over-blog.com/

dimanche 13 avril 2008

Efterklang - Under giant trees

Au Danemark il n'y a pas que le Stimorol, il y a aussi Efterklang, où l'une des pépites les mieux cachées d'Europe. Collectif de barbus chevelus et de demoiselles toutes aussi chevelus mais néanmoins imberbes, Efterklang pratique une sorte de post-rock pas saturé, ajouté de cuivres bigarés et de multiples bruits samplés; le versant ensoleillé de Godspeed grosso modo. Sur "Towards the Bare Hills" on entend notament comme un bruit de pas sur la neige, celui-ci forme l'ossature rythmique du morceau sur lequel survient des choeurs puis des cuivres, suivis bientôt des arpèges légers d'une harpe qu'on jurerait croisée avec un Koto japonais. Bref, l'éclectisme est de rigueur. "Under Giant trees" est un EP d'une cohérence magnifique, il offre à qui veut l'entendre une musique qui emprunte les grands espaces de Sibélius, le charme pop en plus. "Falling horses" qui débute le disque enveloppe l'auditeur d'une mélodie desespérée, aidée toujours de cuivres ajoutés de violons, la recette ne varie guère d'un morceau à l'autre mais contente tout de même par l'extrême cohérence de ces petites miniatures. "Falling Horse" résonne vraiment comme un vieux bâteau à la coque craquante, dansant sur des vagues de tristesse lancinantes. Franchement c'est beau, peut-être pas à conseiller les jours sans, cependant Efterklang n'est pas loin d'être les des groupes les plus essentiels de la vieille Europe. S j'ajoute pour le lecteur occasionnel (mais néanmoins assidu je le sais) qu'Efterklang est ce groupe qui gère aussi le label Rumraket, lequel label édita en son temps le premier album de Grizzly Bear, je ne ferais qu'aiguiller la curiosité du lecteur occasionnel (mais néanmoins assidu...). Un mot sur l'objet : le disque est sompteux, pensé dans ses moindres détails et en ces temps de dématérialisation de la musique, il est parfois bon de se reposer sur des petits morceaux de culture si bien réalisés.








samedi 12 avril 2008

Nicolas de Crécy

Pour ceux que ça intéresse, Nicolas de Crécy est au Japon et il y tient un blog, et comme d'habitude c'est à tomber. Bref, c'est ici : http://villa-kujoyama.or.jp/index1.html à la rubrique blog. Il n'y a pas grand chose à ajouter sur cet artiste qui transforme tout ce qu'il touche en merveille depuis ses débuts avec Foligatto. Le seul bémol que je mettrais à sa biblio est son Salvatore que je trouve un poil vain, sans réussir toutefois à en expliquer vraiment les raisons. bof, quelques fois on passe à côté d'un album en baîllant. Pour le reste, je ne vais pas passer en revue toute sa production, simplement dire que son dernier "Journal d'un fantôme" m'avait véritablement laisser sur place, tant l'amplitude de son propos, le traitement graphique dense, et la facilité avec laquelle l'on pouvait avaler sans s'en rendre compte un petit pavet qui ne parlait de pas grand chose d'autre que du nombril de son auteur. Bref, et pour couper court à toute tentative d'exploitation matinale d'une lecture de l'année passée, passez donc faire un tour sur le blog dessiné de De Crécy, y'a bon !

jeudi 10 avril 2008

Felix J & Artaud - Dum Dum

A l'heure où les grand Corps Malade et autre Abd El Malick n'en finissent plus de nous vendre un slam plus blanc que blanc, un slam de grande section de maternelle, d'autres en France s'accoquinent avec de vrais musiciens pour produire une vraie musique, dégagée de toute contrainte commerciale et dont le but avoué réside dans l'invention du son, comprenez dans l'alliance neuve d'une voix et d'un instrument. Felix J est un des trubions de la scène slam française depuis quelques années, présent dans toutes les bonnes compilations et autres scènes ouvertes de ce mouvement, c'est surtout un type qui écrit avec une plume de dingue, un chirurgien de la phrase, pas du mot, il ne joue du scalpel que dans un vocabulaire courant, bien loin d'un MC Solar par exemple; ce qui plait chez Felix J, c'est réellement sa capacité à trouver la syntaxe exacte, le rythme parfait de la phrase, tout en restant compréhensible. Ca s'illustre parfaitement dans le projet Dum Dum, vrai polar extrême imaginé par l'artiste et qui révèle un univers l'on ne peut plus propice à l'exploration crasse, la plume de Felix J s'auto-satisfaisant de naviguer en eaux troubles, retournant les cadavres afin d'y découvrir les plaies les plus sales. Dans l'univers de Felix J, on congèle les bébés tout en suivant une mystérieuse Sidonie, on joue 823 parties de monopoly, "il y a le recel, celui qui fait l'intermédiaire, il y a les types qui te changent les plaques, ceux qui te refont la peinture, il y a celui qui connait le nom de celui qui connait le voisin d'un type à la gueule zarbi, le porteur de valises, il y a l'indicateur, c'est le type connecté, le revendeur de faux papiers, il y a toujours celui qui fait guetteur, qui en sait trop ou pas assez, souvent mouillé jusqu'à l'orteil, pas plus haut,"etc.... Qu'il est bon d'entendre un polar joué de cette façon là, l'interprétation est sans faille, marquant la progression musicale d'un Artaud méconnaissable. Le contrebassiste envoit une musique glauquissime, s'autorisant des virées rock, grandes envolées saturées martelées par le rythme implacable de la basse, Artaud livre ici la parfaite musique de roman noir, un son que nos esgourdes avaient oublié, reléguant ces ambiances à une certaine façon de se souvenir des années 60 et des films de Melville.
Dum dum est l'alliance d'un musicien, Artaud, d'un poète, Felix J, et d'un graphiste, Thierry Guitard, dont j'avoue que c'est le travail que j'ai trouvé le plus anecdotique dans le projet. Ca aurait pu n'être qu'un disque, d'autant plus que ce concept a sans doute relégué Dum Dum au rang de livre illustré, ce qui n'est absolument pas le cas. Il s'agit au contraire d'un très rare superbe album de musique vibrante, dense et noire, comme devrait l'être plus souvent le HIp Hop en France.

dimanche 6 avril 2008

Hiroshi Hirata - Tueur !

Voilà traduite une oeuvre de 1969 du mangaka Hiroshi Hirata auquel on devait déjà "Satsuma" et "L'âme du Kyudo" chez Delcourt. Profondément ancré dans la culture nippone, "Tueur !" retrace le parcours sanglant d'un samouraï de basse classe, un sans-grade condamné au second rang. Ici ce qui intéresse Hirata c'est cette période charnière d'avant Meiji, la fin du Shogunat de l'époque d'Edo, ce moment où le Japon conclut des accords commerciaux pas toujours évidents et justes avec les Occidentaux, ces années durant lesquelles la société japonaise expose toute sa richesse et en même temps son archaïsme, sa dureté et sa finesse, sa rigidité et ses arts millénaires. Alors, comme il l'avait si bien démontré dans ses précédentes oeuvres traduites en français, Hirata expose une nouvelle fois toute l'absurdité de la société japonaise traditionnelles, qui confond honneur et dévouement avec suicide et idiotie. Hirata interroge le Bushido dans ce qu'il a de moins logique, que ce code, loin de liberer l'âme de ceux qui l'observent les condamnent au contraire à une liberté tronquée, sabordée et assujeties à des suzerains eux-mêmes vassaux de seigneurs, eux-mêmes vassaux du shogun et de l'empereur. Tout ce joli monde se livre bien entendu une guerre d'influence qui conduit le héros de "Tueur !" à devenir une lame dans groupe de samouraïs désirants rétablir l'empereur. Evidemment, Izo Okada (le tueur en question) n'est qu'un pion d'un vaste plan qui ne cherche qu'à remplacer les actuels seigneurs par d'autres seigneurs tout aussi cruels et injustes. Mais la force de ce personnage, c'est sa folie, très bien amenée par l'auteur, celle-ci intervient d'emblée dés l'ouverture de l'album, on y voit un samouraï en guenilles, affamé, fine lame s'excerçant sur les papillons et donnant à qui veut des regards d'outre-tombe. Cette folie si tôt visible va conduire Izo Okada à bouleverser l'ordre établie, il va sabrer pour la cause mais aussi pour son coeur, donnant à voir alors l'absurdité et la vanité de cette rebellion dans l'incohérence absolue des cibles visées. Alors quand tous tombent et que plus rien ne bougent, seul le fou danse encore. Mais ce Japon là ne pouvait se résoudre à tolérer un tel fou.