dimanche 31 mars 2013

Du vieux et du neuf.

Deux livres (entre autres) sont arrivés à la maison cette semaine, deux univers assez personnels, chacun dans un genre sensiblement différent.
Il y a tout d'abord la réédition chez Les Grandes Personnes de Lafcadio, le lion qui visait juste, petite merveille drolatique que nous devons à Shel Silverstein.
J'ai découvert le travail de Silverstein (a priori incontournable outre-atlantique) par le biais de son recueil de poésies en image, le bord du monde, chez MeMo. A la maison tout le monde avait adoré ces petits textes qui mélaient adroitement un dessin très libre façon croquis de coin de table et une écriture toujours jubilatoire.
Du coup, ce Lafcadio a rejoint la maison et est tout aussi réjouissant, parce que totalement décalé : imaginez un lion qui non content de se faire "carabiner" par quelques chasseurs en vient à manger ceux-ci, récupérer leurs armes et leurs cartouches pour devenir ce lion improbable, capable de "toucher les cocotiers, et bientôt les noix de coco dans les cocotiers, puis les baies dans les buissons, puis les mouches sur les baies, puis les oreilles de ces mouches, et la poussière sur leurs oreilles, et enfin la lumière du soleil sur la poussière".
"Alors, diriez-vous qu'il était bon tireur ?
Il était le meilleur du monde, un point c'est tout".

Oliver Jeffers revient chez Kaleïdocope avec un magnifique album : cet élan est à moi. Une nouvelle fois c'est d'emblée beau, voire splendide, un mélange adroit de peinture à l'huile et d'autres textures. J'aime beaucoup sa façon de travailler les pleines pages.
Malgré, je lui ferais toujours le même reproche, le texte n'est pas vraiment à la hauteur de son talent graphique, c'est sans doute lié à la langue anglaise dont les figures ne peuvent pas se traduire si aisément. Dommage, Oliver Jeffers gagnerait à mettre un peu de folie dans ses albums.

jeudi 21 mars 2013

Sailor Twain - Mark Siegel

 Mark Siegel est éditeur à New-York, en particulier des bonnes bandes-dessinées européennes. Sailor Twain est son premier ouvrage en tant qu'auteur et à ce titre il mérite d'abord le détour, ensuite la critique. 
Ca part d'abord d'une bonne idée, de plusieurs bonnes idées. Un steamer, l'Hudson, le Capitaine Twain, et une sombre mythologie liée à une sirène. 
Côté support, c'est réalisé à la mine de plomb, sur 400 pages. Alors forcément, si je dois reconnaître volontiers a capacité de Siegel à croquer ses personnages, son dessin s'essouffle un peu sur la longueur. Ceci dit, le rythme lancinant du steamer sur l'Hudson confère à cet album un doux charme qui n'est pas pour me déplaire.
Dans une interview réalisée à Angoulême lors du dernier festival, Siegel avouait que si auparavant il se concentrait davantage sur le coté graphique de la bande-dessinée, la capacité d'un auteur à circonscrire une histoire le captive beaucoup plus dorénavant. Evidemment. 

Le début de l'histoire peut se lire en suivant ce lien.

mercredi 20 mars 2013

Lire


Madame Le Lapin Blanc, du grand, de l'immense, que dis-je du fabuleusement doué Gilles Bachelet, nous a permis aux filles et à moi de nous rappeler en quoi Alice au pays des merveilles est une oeuvre dense et qui s'adressent décidément à différents publics : enfants aussi bien qu'adultes.
En plus d'être incroyablement beau, Madame le lapin blanc est aussi furieusement malin et son histoire mêle tendrement les contraintes liées à la vie de couple à celles, beaucoup moins prosaïques, de partager sa vie avec le Lapin de Lewis Carroll.
A lire !

vendredi 15 mars 2013

Isaac le Pirate - Christophe Blain


Hier soir je relisais le premier tome d'Isaac le Pirate de Christophe Blain. Ca faisait un bon moment que je n'avais pas sorti un album de cette série (en cours ! ) parce qu'avec les années, j'ai largement pris plus de plaisir à lire Gus ou Donjon que ces Isaac par lesquels j'avais pourtant mis un large pied dans une bande-dessinée moins conventionnelle.
Ce qui m'a d'abord frappé, c'est le dessin pas très bon dans les premières planches. On est très loin de la maestria de Gus ou Quai d'Orsay. C'est un peu moche, ça manque de vitesse, de brio. De même, la narration est empruntée, passer d'une case à l'autre ne se fait pas avec autant d'intelligence que par la suite. Bon.
Ceci dit, l'album se déguste tout de même, Blain réussit dés ce premier tome à créer des personnages auxquels on s'attache d'emblée. Et ça c'est très fort ! Du coup, d'une historiette un peu mal habillée qui voit un Isaac peintre quitter Paris pour les Amériques à bord d'un bateau pirate, laissant derrière lui son aimée, on passe à un formidable album empli de drôleries, de cocasserie (oui !) et de situations qui invariablement font venir le sourire. C'est Guy Vidal qui s'occupait je crois de cette collection Poisson pilote chez Dargaud, grâce lui soit rendue d'avoir su voir derrière le verni le formidable auteur qu'est devenu Christophe Blain. Même si ce dernier avait déjà publié chez Dupuis je crois bien, avec d'ailleurs un meilleur dessin. Isaac est très simple graphiquement, c'est presque une ligne claire. Ca évolue par la suite et le trait se grise et mord largement dans la couleur pour devenir si caractéristique.
Concernant l'histoire, Blain fait d'Isaac un récit d'initiation croisé avec un roman d'aventure : en gros, on ressuscite les London, Stevenson, Melville, etc etc. Blain ajoute à ça son ingrédient : l'humour. Drôle et drôle et le plaisir évident que Blain prend à se coltiner ses personnages (Isaac, Henry, Jacques !) condamne le lecteur à invariablement tourner les pages et continuer d'avancer avec ces derniers.
Grande série, Isaac le Pirate mériterait une fin, elle n'est pas ce module d'apprentissage qu'on oublie après l'avoir passé, non, il faut que Blain se donne les moyens d'y mettre un point final comme Stevenson fermait son île au trésor tout en aménageant une sortie digne à Long John Silver, Isaac le mérite.

mercredi 13 mars 2013

Piero Macola - Dérives (Atrabile 2010)



J'avais déjà beaucoup aimé Aller simple qui racontait le débarquement allié en Sicile et la déroute qui en découlait pour l'armée italienne. Avec Dérives, Piero Macola rend compte avec toute l'élégance qui caractérise son dessin d'un fléau qui paupérise des populations entières aux quatre coins du globe : la pêche industrielle. Finies les petites embarcations qui permettent de nourrir le possesseur de la barque et son aide, finie la revente au boutiquier du coin de la plage, finie la pêche vivrière.
Je parle de ce bouquin d'abord parce que Macola est assez unique dans son genre. L'utilisation de crayons de couleur, de craies sèches (?), appuient l’éther dans lequel il choisit de plonger ses personnages : ce pourrait être partout et ailleurs, c'est juste un endroit de plus où les gens crêvent. Il faut lire Dérives parce que Macola, comme ces pêcheurs, vit aujourd'hui un art en difficulté, coincé entre les gros auteurs, les grosses maisons d'éditions, les grosses librairies en ligne, et que son travail, si fin, si respectable, est infiniment noyé dans ce flux. Quel dommage de se priver de tels auteurs et de tels livres ! Merci à Atrabile de continuer d'éditer les ibn Al Rabin, Baladi, Bernadou, Fior, etc etc (ils sont tous là : http://atrabile.org/category/auteurshttp://pieromacola.wordpress.com/ )  !

Piero Macola - Dérives (Atrabile 2010)

La Brigade Chimérique - Lehman, Colin, Gess. L'atalante.



En ce moment, j'ai beaucoup de mal à lire. Enfin, surtout les romans. Je prends, lis quelques chapitres et repose le bouquin en l'oubliant. Rien ne m’intéresse vraiment, en tout cas en profondeur. J'ai bien réussi à lire  le fabuleux Sula de Toni Morrison, mais sorti de textes de cet ampleur, je n'ai pas vraiment envie de me coltiner des textes bancals, mal construits ou traduits, ni même des personnages juste dégrossis. Bref, je vois plus de défauts que de qualités, et dans ces cas-là, i vaut mieux arrêter de lire pour un temps.
Du coup, je rattrape mon retard de lecture en bande-dessinée, parce que quoiqu'on dise, c'est plus aisé à parcourir et demande moins d'effort au lecteur. Je ne parle pas de profondeur de propos, je parle dans la forme "sujet + dessin" qui, si c'est bien réalisé, se lit beaucoup plus facilement qu'un roman.
Aussi me suis-je replonger dans la lecture de La Brigade Chimérique, 6 tomes à L'Atalante par Serge Lehman, Fabrice Colin et Gess. Le contexte ? Une uchronie basée sur la première guerre mondiale mais avec des idéologies beaucoup plus marquées et identifiées : le nazisme bien entendu, mais aussi "Nous autres", équivalent du socialisme soviétique à la différence près que ce dernier se servirait d'énormes mannequins robots comme armement, un peu à la façon de ceux du Laputa de Myazaki.
Moi qui abordais cette chronique par ma difficulté à me coltiner des textes en pavés, me voilà bien avec cette Brigade Chimérique dont l'écriture dépend de deux romanciers issus de la SF de très haute qualité. Ici, l'action est détaillée, c'est dense, un peu embrouillé au début parce que le dessin de Gess n'est pas toujours clair (à sa décharge, je crois qu'il fallait aller très vite dans la réalisation).
Serge Lehman est un fan de comics et de super-héros, avec la Brigade Chimérique il en a repris le format mais surtout est allé recherché dans notre histoire européenne les super-héros que l'on avait crées : le nyctalope, le Docteur Mabuse, l'Accélérateur, mais aussi des Golems, une Phalange, etc etc... Lehman va les utiliser à la façon d'une mémoire collective, comme si ils avaient toujours fait partie du paysage. C'est là le point essentiel : à la façon du comics américain, la Brigade Chimérique agit comme si elle avait toujours existé, elle appartient à ce monde et l'idée de voir un super-héros se colter aux évènements tragiques des deux guerres mondiales est là aussi la très bonne idée de ce comics à la française.
Pour ceux que ça émoustillerait, il existe une intégrale à cette histoire. De même, Serge Lehman collabore avec Stéphane Créty (Acriboréa, le Sang du Dragon, les contes du Korrigan, etc) dans Masqué, là aussi une histoire de super-héros à la française, mais dans un contexte contemporain et dans un format Franco-belge classique. Une autre histoire avec Gess doit sortir également.

mardi 12 mars 2013


Parce que les enfants ont pris de plus en plus de place dans ma vie, parce que celle-ci s'est rétrécie l'année dernière avec la perte conjuguée de plusieurs personnes proches, ce blog parlera dorénavant de tout. Il abordera les lectures mais aussi la photographie, la musique, le patinage artistique et construira un igloo en Afrique, s'il trouve le temps.
J'imagine qu'il est nécessaire à chacun de se fabriquer un temps pour jouer. Il me semble, plus ça va que ce temps doit se dilater et emprunter tous les chemins de l'existence. Jouer devient une nécessité, une respiration. Mais ne respire-t-on pas à chaque instant ? Y'en a un peu ras-le-bol de devoir systématiquement trimer sans rien obtenir en retour.
Jouer est un obligation, et à la maison je viens de le passer par décret : "quiconque sera surpris à oublier que le jeu permet à chacun de s'exprimer correctement dans un univers où le moindre caillou devient un possible achat sera pendu par les pieds, au milieu du jardin".