mercredi 28 mai 2008

Hugues Micol - 3

La sortie ce premier trimestre 2008 de Séquelles m'avait convaincu de la nécéssité de relire 3 avant d'entâmer sa suite. Selon les mots de Cornélius, 3 a tout comme les Carottes de Patagonie pour Lewis Trondheim fait figure de livre d'apprentissage pour Hugues Micol. Parce que l'action y est incéssante et tout de même débridée, parce que comme pour Trondheim le dessin n'est pas toujours parfait ou académique ? Peut-être simplement parce que tout deux ont contribué d'une façon semblable à l'émancipation graphique de leurs auteurs respectifs.
Toujours est-il que 3 s'est imposé à sa relecture comme un bouquin monstre, tellement jouissif qu'à chaque page tournée je ne manquais pas de frapper l'ouvrage du dos de la main pour lui exprimer mon sauvage contentement. Et 3 est effectivement un livre sauvage, qui parle autant de yakusas que de films sur les yakusas, de course-poursuites que de films montrant des course-poursuites, tout dans cet album est multi-référencé, tout trouve sa place dans un contexte particulier et cela malgré la liberté indéniable qui se dégage des planches. En lisant 3, c'est tout le cinéma de Hong-Kong qu'on se prend dans la gueule, il faut voir comment Micol se débrouille admirablement pour donner une vivacité "filmique"aux dernières planches de l'album. Tout y est fluide, même si quand même, il y est beaucoup question de castagne et à tous les étages, avec un flic improbable qui se lance dés les premières planches et sans retenue aux trousses d'un homme-qui-avale-un-poisson-et-devient-un-ange. Magnifique de bout en bout, hâletant, suffoquant parce qu'exprimant sans arrêt le même motif de la chute-libre, de la course en avant, 3 n'en demeure pas moins un livre indéniablement puissant, de ces lectures que l'on garde longtemps comme un secret partagé avec l'auteur seulement, réservé aux seuls connaisseurs. Enfin les autres auraient tort de se priver de la lecture de ce diamant brute, aux contours certes coupants mais à la beauté indéniablement renversante.

Et alors pour Séquelles ? Et bien le charme s'est sensiblement rompu avec l'apparition des philactères. Non pas que Séquelles soit raté ou vain, heureusement non, mais il ne charme pas autant que 3, son action est plus attendue, elle se perd davantage aussi. Cependant le dessin est encore une fois à tomber à la renverse, Hugues Micol sait comme personne donner du corps à ce qu'il dessine, il a un don particulier pour ça. Sans doute aussi Séquelles est-il plus accessible que 3, et malgré son format plus volumineux. Enfin, je ne suis pas bien sûr qu'il sagisse là d'un défaut.


samedi 24 mai 2008

Don DeLillo - L'homme qui tombe

Voilà un livre compliqué à circonscrire, aussi imbécile que génial, aussi brutal qu'anodin. Des générations de critques littéraires pourraient me lapider pour une sentence comme celle-ci concernant leur chouchou parmi les chouchoux, l'écrivain américain que l'on se doit d'adorer. Alors effectivement, Don DeLillo est un romancier particulier, surtout redoutable : fin, précis, grand architecte du roman, à l'écriture toujours nette, parfois magnifique, un romancier qui sait complétement évoquer les petits instants, lorsque le temps T dure une éternité, lorsque la seconde se dilate et que l'oeil nous fait découvrir l'un après l'autre les dix milles points précis d'un paysage. Don DeLillo sait écrire, il est le grand écrivain contemporain avec Paul Auster pour Femmes actuelles et Bret Easton Ellis pour Télérama. Il n'empêche que parler du 11 septembre pour cet écrivain de la suspicion, du conflit mondial, aracchnéen, était irrémédiable : il devait fournir sa réalité au 11 septembre, abreuver de sa vision les visions étriquées du grand cirque critique littéraire.

Il y arrive. Don DeLillo parvient à chacun de ses bouquins à élaborer une intrigue fragmentée, assez complexe et qui dévoile au fil des pages sa singulière hétérogénéité. Keith est cet homme qu'on a tous remarqué sur nos écrans de télé, cet homme qui marche en chemisette blanche ensanglantée, derrière lui la tour en feu, une mallette dans la main. Il erre dans manhattan, à demi conscient de la réalité des choses qui l'entourent, et se rend chez sa femme, de laquelle il est séparé depuis quelques temps. Lianne et Keith vont se reconstruire autour des attentats, elle en sur-interprétant chaque signe et lui en vivant sur une brêche permanente, comme si le fluctuant ne pouvait qu'être, comme si les choses immobiles n'existaient plus pour lui. On croise peu de personnages dans ce roman, Lianne et sa mère, malade, son fils à elle et Keith, un petit paranoïaque de 8 ans, qui guette le ciel en compagnie de deux faux-jumeaux, et attendent Bill Lawton. Ben Laden. Voilà pour les personnages, cette Lianne véritablement insupportable, tellement choquée qu'on lui jetterait le livre à la figure, lorsqu'elle s'emporte sur son palier face à une femme qui passe une musique ni trop forte, ni suffisamment faible qu'on ne la remarque pas en passant. Elle attaque cette femme, jugeant indécent d'écouter maintenant cette musique orientale, quasi blasphématoire. L'Amérique, vous êtes avec elle ou contre elle.

Don DeLillo a parfaitement réussi ces instants là. Il s'est situé dans la vérité du moment, entre nos yeux et l'écran de télé, captant les messages codés que nos cerveaux ne manquaient d'envoyer à la Terre entière. C'est magnifique de vérité crue, glaciale comme ces temps l'étaient mais malheureusement, c'est aussi très affecté. Lorsque Lianne interprète tout, lorsqu'elle soigne des malades atteinds d'Alzheimer (qui pourrait oublier ça ?) le romancier accroche trop de fils à son intrigue. Il fallait penser au couple. La vérité était dans ce couple brisé, on aurait compris le rapprochement, inutile de nous coller des jumeaux, des inconscients, des blancs et des noirs, des oppositions franches. On aurait compris la subtilité de la situation. Au lieu de ça Don DeLillo s'égare à nous gâver et encore et encore de ce pathos un peu lourd, comme si les images que l'on avait tous vues devaient encore et encore nous être expliquées et décortiquées. (Pourquoi nous infliger Mohamed Atta ?)

Cet Homme qui tombe est un artiste de rue qui se pend à des endroits stratégiques, il évoque cet homme qui s'est jetté au delà de l'horreur.


jeudi 22 mai 2008

Beans - Thorns


Thorns, le dernier album de Beans, a paru en fin d'année dernière dans l'indifférence générale, ce qui en dit long sur l'état du marché du disque mondiale. Pas de major derrière ce disque, juste un label, Thirsty ear, une disponibilité unique en import, bref une sortie on ne peut plus confidentielle. Alors que tout de même, ce Thorns est pour sa majorité une sacré tuerie, Beans y dévoilant un peu plus sa science parfaite de beat élaborée chez Anti-pop, une sacré classe aussi pour des lyrics qui sans être aussi introspectives que dans un Crevice ou aussi rares et fines que sur Only, n'en restent pas moins de grande qualité abordant des thèmes aussi divers que le rap business pour le meilleur (Thundermooth est un must incontournable dont les remixes, si remixes il y a, devraient faire s'écrouler les dance-floor, enfin, si Beans était cet artiste reconnue à son juste niveau, ce qui est loin d'être le cas...) l'amour, le love, pour le pire ( l'horrible MVP, au refrain doc-gynécesque, affreuse parodie (?) des titres éstampillés love de ses confrères rappers, à oublier et à honnir). Bref, voilà un disque pour ainsi dire pas distribué, qui comporte son lot de tracks incroyables ( We rock, sudden death academics, return of the god skulls) parmis ce qui se produit de meilleur dans le hip-hop d'aujourd'hui (avec le Blueprint récemment évoqué bien entendu) et qui va passer absolument inaperçu, comme une transparence sonore, comme le pchiit que fait une bouteille de bière juste ouverte, ce pchiit appelé Beans noyé dans une première gorgée de bière estivale. Que c'est bizarre la musqiue tout de même, pour un peu ça ressemblerait au marché du livre.
En extrait, une superbe video d'un titre qui n'apparait pas dans Thorns mais qui reste énorme, enjoy.




Et toujours le myspace de Beans en cliquant sur le titre de cet article.

dimanche 18 mai 2008

Part 1



Quand c'est arrivé, en réalité, quand c'est arrivé et que j'ai regardé mes mains, j'ai d'abord cru à quelqu'un d'autre. A qui donc étaient ces mains-là ? Octroyées dans le prolongement de mes bras comme une apparition.

Quand c'est arrivé j'ai repensé à quelques lignes lues chez DeLillo : " nous voulons transcender, nous voulons franchir les limites de la compréhension inoffensive, et quel meilleur moyen d'y parvenir que l'illusion ?" Il y avait d'abord ces mains rouges, si rouges que je devinais qu'une queue fourchue me poussait. Ce diable d'homme c'était moi, l'homme aux mains écarlates et à la queue fourchue. Combien l'illusion eût été préférable alors !

Où sont les drogues lorqu'il vous vient à l'esprit de tuer quelqu'un ? Je recherchais une illusion que je ne pouvais trouver. Le crime était là, face à moi, rouge honte, irréversible même en songe. Et plus je songeais à ce crime et plus il s'étalait là, si parfaitement réel que d'un faux-pas maladroit, il m'eût été possible de glisser sur l'objet de ma soudaine passion, ce que je fîs et me retrouvai par conséquent rouge-honte-sang des pieds à la tête, moi et ces mains qui ne m'appartenaient pas.

dimanche 11 mai 2008

Saul Steinberg


Et alors, on peut bien poster une image comme ça, sans rien en attendre en retour pas vrai ? C'est de Saul Steinberg, et accésoirement ça ferait très bonne impression dans mon salon. Bizarrement, j'entendrais presque chanter Sam Cooke en regardant cette image. Ou alors les Supremes. Enfin bref, peut-être même que celui qui collerait parfaitement là, c'est Otis Redding et ne me demandez surtout pas pourquoi.
(bien entendu ce post est une réaction immédiate à celui posté par dampremy sur son blog. Quelle bonne idée effectivement !)





Cadeau bonus, le "A change is gonna come" de l'immense Sam Cooke.

jeudi 8 mai 2008

De la littérature et caetera

Alors depuis janvier, ça ne se bouscule pas trop chez moi pour attraper un livre. En fait j'ai passé les mois d'hiver a jeun, l'estomac noué et regurgitant pêle-mèle un Conte de Monte-Cristo pourtant à moitié entâmé, un Chaïm Potok pourtant très intéressant laissé tomber à la moitié ("L'élu", bouquin qui expose brillament la situation des juifs hassidiques dans le Brooklyn des annés 50/60. C'ets cimple, on dirait du Eisner dans le texte. Je finirai ce livre un jour ou l'autre), et j'en passe des Richard Hugo, Colum McCann et autre Pelecanos. Bref, ça passait pas, ça bloquait au niveau de l'intérêt simple je pense.
Il a alors fallu deux imbéciles d'anglais, deux individus rusés, capables de faire hurler de rire son lecteur dans un tramway bondé d'étudiantes en psycho, deux auteurs que le plus haut cynisme n'arrêtent jamais, deux debilos au cerveau crâmé par n'en doutons pas des années de consommations de substances illicites : j'ai nommé messieurs Terry Pratchett et Tom Sharpe. Le nom du bouquin importe guère ici et avec ces deux zigues, c'est peut-être irrespectueux mais c'est la vérité, le bouquin de Pratchett se passe dans l'univers du Disque-monde, celui De Sharpe autour de Wilt une nouvelle fois. Non, l'intérêt de ces deux bouquins est surtout de possèder cette capacité intrinsèque déclencheuse de rire instantané, et sur les trucs les plus cons du monde. Rien à carrer d'un quelconque atermoiement d'un personnage, non, the show must go on, ici aucune ligne ne se perd en divagation sur la qualité ontologique des péruviens pendant la récession de 1930, ici on ne fait que rire. Et rien que pour ça, bravo messieurs.




Evidemment ce pied remis à l'étrillet m'a permis de lire un "Jonathan Strange et Mr Norrell" de la britannique Susanna Clarke à l'intérêt distillé, presque consumé sur 1250 pages. Ce roman qui met en scène deux magiciens anglais au 19ème siècle, en pleine guerre avec Napoléon, livre une somme assez déconcertante qui oscille entre Fantastique et Fantasy, comédie de moeurs et satyre politique un peu simpliste. Il n'empêche que les 300 dernières pages sont parmi les plus belles que j'ai lues dans le genre Fantastique, elles rivalisent sans mal avec le meilleur de Stocker ou Poe. On assiste béat à l'anéantissement d'une intrigue montée lentement par la romancière et qui la conduit à une apothéose nécessitant la mise en palce de tous les effets du genre : le propos devient noir de cendre, les femmes fatales succombent, même les candidats à la candeur recouvrent leur visage de suie.
Dans une veine différente et tout aussi efficace, "Bright light, bright city", premier roman de Jay McInerney dont j'avais apprécié "Le dernier des Savage" peut-être davantage pour son sujet (la musique noire produite à Memphis dans les années 60/70) que par ses qualités propres de roman. Un bouquin étonnant d'une part par sa forme, entièrement écrit à la seconde personne du singulier, c'est d'abord ce style qui marque dés l'entâme. Pour le reste il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent, juste une resucée de l'immense "Attrape-coeur" de Salinger : un jeune adulte erre dans le New-York
noctambule du début des années 80 après s'être fait largué par son top-model de femme. Issu d'un milieu grand-bourgeois, le parallèle avec le livre de Salinger nous est limite imposé par Jay mcInerney lui-même, comme si tout premier roman améroicain devait forcemment livrer batailler avec les petit livre parfait de l'aîné des dilettantes.
personnellement je pense le livre raté, loupant ses effets ou en faisant souvent beaucoup trop, il est noter que cette tendance est commune à son comparse issu de la même génération d'écrivain, Bret Easton Ellis. J'admets cependant et une fois encore que le roman ne trouve son intérêt que dans la pertinence de sa fin, deux derniers chapîtres tout en subtilité, l'américain ne nous avait pas habitué à cela.

samedi 3 mai 2008

The Roots - Rising down

Quelle attente encore pour ce nouveau disque de The Roots ! Voilà un groupe que je suis depuis Illadelph Halflife et le début des années 90, un groupe qui continue petit à petit à ronger ses quelques dernières inspirations autour de trois disques mineurs : les trois derniers. The Tipping Point était à peu près réussi, en tout cas, revendiqué comme étant un disque conçu pour la bande FM et à ce titre il justifiait amplement son existence. Ca s'est gâté avec le mauvais Game Theory, album foutraque qui ne se reconnaissait d'aucune ligne directrice, qui partait dans tous les sens pour n'arriver pas même à nous faire frétiller le petit orteille gauche. Bref, je songeais sérieusement à passer outre cette dernière sortie, à ne plus regarder ?uestlove ne me disant "Hé gras, qu'est-ce qui t'arrive ? ", mais au hasard d'un Virgin de province, me voilà en train de prendre l'album, de le payer, d'enlever le cellophane dés la bagnole, et, l'oeil et l'oreille tendus vers l'inéffable, éspérant ce regain de génie en introduisant la galette dans l'autoradio. Bon, c'ets une super longue phrase pour surtout dire que le disque est une nouvelle fois moyen, y'a quà entendre les tracks "The Show" et "Rising Up" pour comprendre ce dont sont vraiment capables The Roots, et on en arrive à ça qu'en toute fin de disque. Alors oui l'ambiance est noire, ouais, et alors ? Il était de quelle couleur Prenology ? Bref, une nouvelle déception, même si The Rising down relève quand même le niveau du précédent, et que The Roots reste un groupe incroyable, ?uestlove un bâtisseur de sons de génie, Black Thought l'un des meilleurs emcees au monde, mais merde, l'air de rien ce dernier opus de The Roots est à 100 000 lieues d'arriver à la cheville de la dernière livraison de Blueprint.
Si j'étais ?uestlove, j'aurais les glandes.


Blueprint vs Funkadelic



Mais non ce blog n'est pas mort ! C'est juste que le mois de Mai est venu et avec lui de menus travaux en extérieur. Et il y a eu aussi ces courtes vacances, cette visite en terre Normande pour assurer aux grand-parents le bon état de leur petite descendance. Bref, j'ai farfouillé également pas mal sur le net mais sans trop trouver l'inspiration d'en dire grand chose. Un truc de dingue d'ailleurs, la musqiue sur le net, en quelques clics sur quelques blogs choisis, on tombe sur la discographie complète de Snoop, de Ice Cube, de A tribe called Quest, De la Soul, le Wu-tang... Incroyable, et surtout pratique pour combler le manque d'un disque égaré ou tout simplement jaamis acheté. Ca m'a permis récemment de choper un Eminem que je n'aurais au grand jamais écouté sans sa gratuité relative, mais aussi l'album de Big L (immense !), deux disques de Mobb Deep, de Pete Rock, enfin me refaire une santé post-voyage-en-voiture-avec-une gamine-de-trois-ans à moindre frais, enjoy !
Tout ça pour dire que cette musique gratos c'est peut-être vachement bien, mais alors ma dernière claquouille en direct de chez moi, c'est ce disque de l'inénarrable Blueprint, qui s'est imaginé reprendre ses titres préférés de Funkadelic. Et bien lui en a pris, le disque est immense. Le plaisir de la redécouverte, la science du beat de Blueprint, le son géré à la perfection, tout concorde pour faire de ce disque une tuerie. Personnellement, j'ai connu Blueprint pour sa collaboration avec RjD2 sur SoulPosition, leur excellent combo. Malgré tout, c'est vraiment sur ses propres disques que ce emcee de Columbus s'exprime le mieux. 1988 est un disque que j'ai usé jusqu'à la moelle, un disque pensé de Hip-Hop pure, ça fait rêver quand même, non ? Cet opus hommage à Funkadelic ne déroge pas à la règle, des lyrics en or massif sur des beats dignes du golden age, j'en redemande et je vais surement en souper un moment avant d'en être rassasié.
Je vous mets le lien myspace pour les curieux :
Et une vidéo pour montrer un peu de quoi ça cause ce grand disque :





Encore un mot, et pas le moindre, ce disque est limité à 500 copies, disponible sur le site Weightless recording (envron 6 euro...) mais aussi en téléchargement gratos, je vous file le lien ci-dessous :